C’est parti pour ce qui sera une journée mémorable !
Cette année je n’avais pas eu l’occasion encore de faire de longues sorties en parallèle du travail. Jusque là, ma sortie la plus longue de l’année c’était 117 km le 21 mai lorsque j’étais allé au col du Tourmalet pour la première fois de l’année, sinon c’était 111 km lors de ma deuxième sortie en Belgique sur les routes de la Wallonie en avril…
Bien loin des sorties à plus de 150 km que je faisais au printemps il y a 3 ou 4 ans…
Mais là, je sens que je peux être en jambes pour faire une très grosse sortie. Le vendredi 27 juillet, j’ai grimpé le col du Tourmalet très facilement lorsque nous sommes allés voir passer le Tour de France, ça m’a donné quelques idées.
Pas facile de choisir l’itinéraire et le parcours, mais un peu naturellement il y en a un qui me revenait en tête : le cercle de la mort, comme il était appelé au début des années 1900. Il s’agit de l’enchainement mythique du col de Peyresourde (1569 m), col d’Aspin (1490 m), col du Tourmalet (2115 m), col du Soulor (1474 m) qui est le tremplin vers le col d’Aubisque (1709 m).
Cela fait des années que j’ai en tête de le faire un jour, mais difficile de savoir quand. Entre temps j’ai vadrouillé à droite et à gauche, pédalé dans d’autres régions, j’ai eu l’occasion de grimper le Mont Ventoux par les 3 côtés pour ce qui reste jusqu’à cet instant, la plus grosse sortie en vélo que j’ai faite (225 km et 5550 m de D+), en 2012.
Cette année j’avais envie de m’inscrire à Luchon – Bayonne, un évènement organisé par la FFCT et qui reprend le parcours mythique de la première étape de haute montagne de l’Histoire du Tour de France le 21 juillet 1910. 320 km au menu avec les cols cités plus haut.
Cet évènement avait lieu le 23 juin et c’est pour être prêt ce jour là que je suis allé un maximum de fois au col du Tourmalet au printemps pour trouver le rythme (le mystère sur ces Tourmalets est levé !). Malheureusement, ma chute du mois de janvier m’a mis sur le carreau pendant presque 2 mois, puis la météo du printemps a été désastreuse et ne m’a pas permis de faire les enchainements que je voulais et de faire progresser ma forme de façon régulière. J’ai donc décidé de laisser tomber et de tenter l’enchainement par moi même, quand l’occasion se présentera, cette année ou plus tard.
La tentative sera pour ce 30 juillet. Une journée ensoleillée sans risque d’orage. J’ai fait en sorte de me libérer cette journée.
Je ne ferai pas Luchon jusqu’à Bayonne évidemment, mais je compte prendre le train entre Tarbes et Lannemezan, remonter la vallée d’Aure jusqu’à Arreau, monter en aller-retour le col de Peyresourde (1569 m) avant de grimper le col d’Aspin (1490 m), le col du Tourmalet (2115 m) puis l’enchainement col du Soulor (1474 m) et col d’Aubisque (1709 m) avant de redescendre par le même côté sur Argelès et rentrer par la plaine par Lourdes. Une sortie qui devrait me faire au moins 250 km et 5000 m de D+.
Mais c’est sans certitude que je la prépare à cause du manque d’entrainement sur les longues distances (je vais plus que doubler mes sorties les plus longues de l’année).
La veille, je prépare méticuleusement mes affaires avec ce stress et cette pression qui monte petit à petit. Une fois que l’objectif est en tête, il prend tout l’espace. Concentration, visualisation de comment ça sera, tension.
Quoiqu’il arrive je grimperai le col de Peyresourde et le col d’Aspin. Là, si je n’ai pas les jambes je peux rentrer par la plaine après l’Aspin ou après le Tourmalet.
A priori il n’y a aucun soucis pour grimper Peyresourde et Aspin, c’est surtout le Tourmalet en 3eme ascension l’inconnue du jour. Je ne sais pas comment seront les jambes surtout qu’ensuite il y aura encore l’Aubisque.
Il y a toujours ce doute sur mes capacités. Mais c’est le genre de sortie qui va me faire repousser encore un peu plus ce que je sais de ce dont je suis capable si tout se passe bien. Je pense pouvoir m’appuyer sur mon mental en mode guerrier.
Il va faire beau et chaud. J’ai opté pour ne pas prendre de sac à dos. Ce sera tout dans la sacoche de guidons !
Ravitaillement, pâtes de fruit ainsi qu’une boite de thon, je n’ai pas l’habitude d’en manger mais l’an passé pendant mon périple c’était bien pratique, pas encombrant, pas besoin de conserver au frais, consistant, c’est l’idéal surtout par temps chaud. J’ai aussi réussi à caser mon k-way dans la sacoche (mais il ne me servira finalement pas), ma batterie externe si je dois recharger mon téléphone. Et j’aurais aussi à y ranger mon gilet jaune une fois qu’il fera jour. Quant à l’eau, je vais prendre un grand bidon de 75 cl d’eau et un bidon de 50 cl de grenadine et je remplirai aux fontaines sur le parcours.
Le lever est fixé à 4h30 et le départ à 5h15 car j’ai le train à 5h42 à la gare de Tarbes.
La veille, le dimanche 29 juillet, j’ai fait du gros bricolage toute la journée avec mon père jusqu’à 20 h, puis un petit tour avec un grand pote le soir en suivant, ça a permis de voir que le vélo semblait prêt à se tailler une belle journée aussi. La nuit j’ai très mal dormi, je devais être excité et en même temps tendu.
Le réveil a sonné à 4h30. Dur dur, je me lève, je me prépare. Petit dej’, j’ai toujours du mal à manger tôt le matin déjà que je n’ai pas l’habitude de faire un petit dej’. 4 tranches de pain avec du miel. Je prends quelques biscuits à manger dans le train.
Je sors le vélo, il fait nuit noire encore. Je mets l’éclairage à l’avant et à l’arrière, la sacoche de guidons, le gilet jaune et c’est parti !
La température est déjà très bonne en manches courtes, je pédale tranquillement mais rapidement je réalise que si je continue sur ce rythme je vais louper mon train, j’accélère jusqu’à être à bloc sur la deuxième moitié du trajet, ça part mal cette histoire !!
J’arrive à la gare après 9 km, 5 minutes avant le train, le temps d’acheter mon billet et d’arriver sur le quai.
Direction Lannemezan, pas de crochet pour vélo dans le train (alors que je suis bien monté là où c’est normalement le compartiment vélo), je dois le tenir… Je mange mes biscuits tranquillement. Et je réalise que ma chambre à air de secours est tombée de la pochette extérieure de ma sacoche sur le trajet vers la gare, dans la nuit je ne m’en suis pas rendu compte. ça part vraiment mal… Après 35 minutes de train je suis à Lannemezan.
Il fait encore sombre, je garde mon gilet jaune.
C’est parti pour remonter la vallée d’Aure sur 25 km jusqu’à Arreau. C’est la partie que j’appréhende avec des faux plats, une vallée où il y a souvent de la circulation et aussi du vent de face. Mais je vais être agréablement surpris finalement.
Peu de véhicules à cette heure-ci (6h15) et surtout, pas un souffle de vent !!
Un régal de pédaler comme ça en manches courtes avec le jour et la grisaille matinale qui se dissipe peu à peu. Le seul truc qui me tracasse, c’est que j’ai l’impression de ne pas avancer sur le vélo. Je sens que les jambes ne sont pas mauvaises mais ça n’avance pas vite, curieux… J’espère que dans les ascensions ça ira mieux.
Quelques kilomètres avant Arreau je m’arrête pour enlever mon gilet jaune, maintenant que le jour est bien levé. Je n’hésite pas à boire de l’eau car il y a une fontaine au pied du col d’Aspin, donc je peux remplir mes bidons avant le col de Peyresourde mais aussi après, ensuite après le col d’Aspin, c’est à Payolle que je peux faire le plein et dans le col du Tourmalet dans le pire des cas il y a La Mongie à 4 km du sommet où il y a un point d’eau et ensuite je compte trouver une fontaine du côté d’Argelès.
Quand j’arrive à Arreau, l’excitation est à son comble !! Enfin les ascensions !!
C’est parti pour le col numéro 1, le col de Peyresourde (1569 m). Il se divise en 2 parties disctinctes, d’abord 9 km de faible montée jusqu’à Avajan (à l’intersection avec le col d’Azet), puis 9 km entre 7 et 8,5 % de moyenne jusqu’au sommet.
Cela fait 3 ans depuis 2015 que je n’y suis plus allé, ce sera une sorte de redécouverte.
Je pédale plutôt en force sur le premier tronçon et rattrape plusieurs cyclistes qui vont profiter de la fermeture du col aux voitures entre 9h et 12h à l’occasion de Cycl’nTrip (fermeture de certains cols pendant une demie journée cette semaine là). Pour ma part je n’en bénéficierai pas beaucoup car je compte être au sommet entre 9 h et 9h15.
Il y a aussi pas mal de circulation, l’heure avance et c’est le moment où beaucoup de personnes montent en montagne, ce n’est pas super agréable…
Je fais un arrêt à Bordères Louron pour manger une pâte de fruit. Surtout éviter la fringale aujourd’hui !!
J’arrive à Avajan plutôt content de ne pas avoir eu de vent ou autre et c’est parti pour la deuxième moitié plus pentue jusqu’au sommet. L’objectif est clair : arriver au sommet sans fatigue. Du coup je mets tout à gauche et je mouline. Je sens que c’est bien parti, je tourne les pédales sans rien sentir, c’est bon signe. Et pourtant ce n’est pas les meilleures jambes de ma vie.
Je profite de l’ascension avec des vues sur le lac de Loudenvielle, les estives et ce couloir final sur les derniers kilomètres qui nous amènent au sommet. En passant le panneau indiquant le sommet à 5 km, je m’encourage en me disant que j’attaquais la partie finale du col. Il fait juste frais mais c’est super agréable.
Et me voilà au sommet !! Je ne sens rien dans les jambes, jusqu’ici tout va bien. Il y a les personnes de Cycl’nTrip qui sont en train de monter leur stand, le gérant de la crêperie du sommet installe ses tables et 3 motards cherchent leur itinéraire sur une carte.
Je profite du paysage sur le versant Haute Garonne, prends quelques photos et il faut poursuivre !!
C’est que je n’en suis qu’à 53 kilomètres au compteur pour l’instant. Je suis à la limite de la Haute Garonne et je regarde droit devant moi, les Hautes Pyrénées que je vais traverser jusqu’à arriver dans les Pyrénées Atlantiques. Un long chemin, mais si je ne fais pas d’erreur tout au long de la journée ça le fera.
Au moment où j’attaque la descente, une camionnette traverse le sommet du col à fond la caisse…assez effrayant…
Il fait un peu frais mais je table pour que ça monte en température plus bas dans la descente, du coup j’attaque la descente sur Arreau en manches courtes !! Bien agréable avec ce soleil levant sur les sommets. Je croise beaucoup de cyclistes maintenant que la route est fermée aux voitures. Je fais la descente tranquillement sans dépasser les 55 km/h.
J’ai quand même fait une pause âne à la moitié de la descente avant de continuer.
Et me revoici à Arreau. Ça grouille beaucoup plus de monde. J’arrive au pied du col d’Aspin. Je m’arrête à la fontaine remplir mon bidon d’eau.
Et c’est parti pour le col numéro 2, avec l’objectif d’arriver au sommet dans les mêmes conditions que pour le col de Peyresourde.
12 km d’ascension avec vue sur le sommet dès le pied du col. C’est mon col fétiche, l’impression d’être avec une bonne connaissance. Les 2 premiers kilomètres sont juste en faux plats, puis à 10 km c’est parti !! Je mets tout à gauche à nouveau. Les jambes répondent bien, je ne sens pas d’acide lactique avec la reprise de la montée, c’est bon signe.
Je profite à fond du paysage pendant l’ascension mais je ne fais qu’un seul arrêt photo dans la montée.
Il n’y a pas grand monde et j’apprécie. Je rattrape un trio d’espagnols qui parlent bien fort^^
L’ascension se passe bien, mais dans les 5 derniers kilomètres entre 8 et 9 %, alors que je passe mon repère mental qui me fait dire que je suis dans le final d’un col, je sens un peu plus mes jambes quand même. C’est absolument rien du tout mais j’espérais que ça soit exactement comme dans le col de Peyresourde, mais ça s’annonce bien quand même pour le col du Tourmalet après.
J’arrive sans soucis au sommet du col d’Aspin, bien content, avec la vue superbe sur le Pic du Midi ! Un régal.
Il y a pas mal de monde au sommet et impossible de prendre la photo de mon cadre décoré avec le panneau en arrière plan sans personne, tant pis ce sera le Pic du Midi qui y aura droit.
Le paysage est vraiment agréable. Je savoure l’instant car je me sens bien parti, quoiqu’il arrive maintenant j’arriverai au sommet du col du Tourmalet et ça fera au minimum une belle sortie déjà. Mais il faut rester concentrer car il reste du chemin et ne surtout pas se planter dans le ravitaillement ou l’effort à faire.
Il est 11h15 et j’hésite beaucoup à attaquer le col du Tourmalet sitôt la descente finie ou à manger avant.
J’opte pour éviter de prendre des risques avec la fringale et pour manger avant le col du Tourmalet, je m’arrêterai dans un coin à Payolle.
Et me voilà parti pour la descente pour changer de vallée en allant vers Payolle puis Sainte Marie de Campan.
A Payolle, je m’arrête pour manger la boite de thon, il est 11h30. Ça fera aussi plus léger dans la sacoche^^
Remplissage du bidon, puis je reprends mon chemin, encore 7 kilomètre de descente vers Sainte Marie de Campan. Le moment charnière de l’étape approche.
Sainte Marie de Campan que je passe, juste la photo de la statue d’Eugène Christophe et c’est parti pour les 17 km de l’ascension du col du Tourmalet (2115 m), col numéro 3 !! L’objectif c’est d’arriver là haut. Vue que les sensations sont bonnes après les 2 premiers cols, je sais que ce ne sera pas un soucis, reste à savoir comment seront les jambes dans le final. Le pied du col du Tourmalet coincïde au moment où j’ai passé les 100 km parcourus, je n’en suis pas encore à la moitié.
Il y a d’abord les 4,5 premiers kilomètres roulants jusqu’à Gripp. Je ne me mets pas dans le rouge et roule tranquillement.
Gripp arrive, il n’y a plus à réfléchir, la pente se cabre à 9 % pour 12,5 km, je mets tout à gauche et…les jambes tournent tranquillement bien !! Génial !! Je sens déjà que si je n’ai pas de fringale, j’arriverai au sommet plutôt frais !
Et c’est assez dingue car je ne vais pas voir l’ascension passer, tellement je vais l’apprécier ! Je pédale sur un rythme régulier,plutôt lent par rapport à d’habitude, c’était ce que je voulais arriver à faire, car parfois les jambes ont tendance à vouloir être au seuil toutes seules^^
Au fil de l’ascension, j’espérais que les sensations restent les mêmes et à chaque repère je m’encourageais en voyant le chemin parcouru sans regarder ce qu’il restait à parcourir et c’est ainsi que j’ai passé l’ancien pont, les cascades à 9,5 km, le lacet du Garet à 7,5 km, la stèle d’Eugène Christophe à 7 km, puis les paravalanches qui commencent un peu plus loin et à chaque fois je me disais qu’il valait mieux être ici avec ces sensations plutôt que plus bas.
Juste avant La Mongie je passe le panneau des 5 km, le final !! (même si quand on n’est pas bien ça peut paraitre une éternité)
C’est grisant de pédaler en douceur à ce stade là. Là évidemment les jambes sont plus à l’ouvrage mais je suis toujours assis sur le vélo, je tourne les jambes régulièrement et je relance à intervalles réguliers. Je craignais fortement la chaleur dans cette ascension à la mi journée et finalement je la supporte bien. Le top !!
Dans le dernier kilomètre je discute en passant avec la jolie photographe du dernier virage qui me fait coucou à chaque fois qu’on se voit, puis après les 400 derniers mètres entre 13 et 15 %, j’arrive au sommet sous l’oeil d’Octave Lapize !
Je roule sur des routes légendaires bourrées d’anecdotes en faisant l’enchainement mythique moi aussi. C’est génial.
Bon sang, que c’est bon d’être au sommet, 3eme col de la journée, forcément je sens que les jambes ont travaillé, mais ça reste franchement bon pour la suite, à cet instant je sais que quoiqu’il arrive ensuite, j’arriverai au col d’Aubisque mais il faut rester concentré et sur ce qu’il reste encore à faire et je ne m’emballe pas.
Je reste assez longtemps au sommet (une bonne vingtaine de minutes) afin d’avoir un instant sans trop de monde pour pouvoir prendre mon cadre en photo avec le panneau derrière, pas très pratique d’ailleurs cette famille de hollandais montés en voiture.
Après avoir profité du paysage, c’est reparti pour la descente, pour changer de vallée à nouveau !! Descente sur Barèges et Luz Saint Sauveur. Il fait chaud, toujours pas besoin de k-way.
18 kilomètres de descente pour se refaire la cerise. Mais sur la fin de la descente, j’ai l’impression d’entrer dans une fournaise !! Il fait une chaleur dantesque. Outch !
C’est la première fois de la journée que je me sens écrasé par la chaleur.
Au fil de la descente je me retrouve avec un peloton de cyclistes australiens. Ils sont une bonne trentaine. Je les avais vu au sommet du Tourmalet, puis tout au long de la descente on s’est passé et repassé au fil de leurs arrêts à leur camionnette suiveuse.
Et là je me retrouve avec eux pile au bon moment puisque j’ai une quinzaine de kilomètres de vallées à faire entre Luz Saint Sauveur, pied de la descente et Argelès d’où j’attaquerai l’approche du col du Soulor.
Dès que je laissais un trou avec la roue devant moi, je faisais signe à celui de derrière de passer et de boucher le trou. J’en ai bouché quelques uns aussi mais je faisais gaffe de ne pas y laisser trop d’énergie. Ainsi de suite je glissais petit à petit vers la deuxième moitié du peloton. J’ai discuté avec un des cyclistes. De quoi faire étalage de mon anglais plus que limité, mais c’était drôle quand même. Ils faisaient tous les cols mythiques des Pyrénées en quelques jours avec véhicule suiveur. Et là pour le soir ils allaient dormir à Argelèset faire l’Aubisque le lendemain.
En arrivant à Argelès, je les ai remercié de m’avoir permis d’être dans leurs roues et je les ai salués. C’est que j’ai pu avaler assez vite cette portion de vallée sans y laisser trop de plumes.
Juste avant de quitter Argelès, je suis passé devant une fontaine ! C’est ce que je cherchais, elle tombait à pic !! Ouf !!
J’ai bu ce qu’il restait dans mon bidon et l’ai rempli avec de l’eau fraiche, ça rassure et je sais qu’après l’Aubisque je pourrai aussi remplir mes bidons ici.
C’est que là je m’attaque à la partie finale. Pour quitter Argelès il y a 3 kilomètres à près de 9 % à se tailler. J’appréhendais vraiment cette partie…
Je mets tout à gauche et je grimpe en essayant de trouver le bon rythme. Je suis écrasé par la chaleur. Je sens que ça va être dur, le changement de pente après la descente et la vallée en faux plat descendant fait mal aux cuisses, je sens l’acide lactique.
Petit rythme dans cette côte d’Arras en Lavedan, je suis à même pas 11 km/h. En plus il y a de la circulation, il est environ 15 h.
C’est dur, je transpire à grosses gouttes. C’est avec soulagement que je traverse Arras en Lavedan en haut de la côte (elle se termine à la sortie d’Arras seulement). Après il reste 9 km en faux plats montants pour arriver à Arrens Marsous, le pied du col du Soulor.
Là c’est 9 km de galère. Quelle chaleur !! Je n’avance pas très vite, j’essaye de relancer quand je peux, mais dur dur, je suis en train de laisser beaucoup d’énergie. A Marsous à 2 km du pied du Soulor, je vois un Proxi. Je m’arrête et je vais m’acheter une petite bouteille de coca. Ça faisait longtemps ! Elle est fraiche, je l’apprécie. Je la cale avec les élastiques sur ma sacoche et je reprends mon chemin un peu plus revigoré.
Arrens Marsous, c’est parti pour le col numéro 4 !! Le col du Soulor (1474 m). Objectif, arriver vivant en haut. Une fois là haut, il restera 10 km jusqu’au col d’Aubisque (dont 7,5 de montée).
Il n’est pas long, il fait 7 km mais il est à 8 % de moyenne avec des bons passages. Pour me motiver, je me fixe comme premier objectif, de passer le panneau des 5 km, histoire de me dire que….je suis dans le final du col même si ce n’est pas vrai xD Ce repère des 5 km, correspond au col d’Aspin versant Sainte Marie de Campan, où la partie difficile concerne les 5 km après Payolle qui sont donc le final du col. Quand j’y suis, c’est que tout le début est avalé.
C’est bateau, mais ça aide quand je suis en galère.
Dans le col du Soulor, là c’est vraiment dur, je pédale comme je peux, j’appuie sur les pédales et je tire sur les guidons… Ma vitesse oscille entre 8,5 km/h et 9,5 km/h. Mais c’est régulier. Je ne ressens pas non plus le besoin de faire des pauses, je pédale d’une traite, lentement mais sûrement. Et petit à petit les kilomètres défilent. Je me motive en me disant qu’au sommet je vais me prendre une crêpe.
Il n’y a plus grand monde sur les routes, mais un cycliste me dépasse à la moitié de l’ascension et m’encourage, ça fait toujours plaisir. Un peu plus tard, dans le final je rattrape un cycliste assez âgé qui grimpe, on se salue et on échange quelques paroles.
Et puis ça y est !! J’arrive au sommet du col du Soulor !! Juste un énorme soulagement. Je traverse le col et juste à l’intersection avec la route de Ferrières et de l’Aubisque, je m’arrête à l’auberge. J’ai les jambes un peu raides en descendant du vélo. Je commande un coca et une gaufre (ils ne faisaient pas de crêpe). Je l’ai prise au nutella. Ça faisait longtemps que je n’en avais pas mangé, mais ça s’avèrera une grosse erreur. Ils étaient sympas à l’auberge mais j’aurais souhaité qu’ils m’amènent le coca directement plutôt que de devoir attendre que la gaufre soit faite pour avoir le tout, j’étais affamé et à sec^^ Et le problème du nutella, outre le fait que c’est à l’encontre de mes valeurs écologiques, c’est que ça m’a asséché la gorge xD Mais c’était bon.
Les nuages commençaient à remonter légèrement, je suis remonté sur le vélo.
C’est parti pour le col numéro 5 ! Je ne suis plus qu’à 10 km du col d’Aubisque (1709 m). D’abord 2,5 km de descente jusqu’à passer dans les Pyrénées Atlantiques, puis ensuite 4,5 km de montée plutôt roulante avant les 3 derniers kilomètres un peu plus pentus.
La route est sublime et l’air de la fin de l’enchainement donne un surplus de motivation. Mais dans la montée je suis obligé de mouliner, je n’ai plus les jambes pour monter en force… Les tunnels sont toujours aussi beaux et impressionnants.
Alors que j’étais aux alentours de 3 km du sommet, j’ai repensé à Eric avec qui j’avais monté l’Aubisque pour la dernière fois en 2015 et qui m’avait dit qu’il avait vu la plaque à l’endroit de la fameuse chute de Wim Van Est en 1951 (une plaque que je n’ai jamais réussi à trouver) dans ces eaux là sur la gauche. J’ai juste tourné la tête en me disant que j’allais commencer à chercher et qu’est ce que je vois juste à gauche ? La plaque !! Je me suis arrêté pour prendre une photo. Il était maillot jaune et a chuté de 70 m à cet endroit. Les suiveurs ont dû faire une corde faite de chambres à air nouées les unes aux autres pour le sortir de là.
Les derniers kilomètres paraissent un peu long et le dernier se fait dans la brume. J’ai pédalé toute la journée au soleil et ce dernier kilomètre d’ascension du dernier col se fait dans le brouillard, mais je l’ai apprécié !!
Drôle de sensation d’arriver au sommet. De la satisfaction en moi même forcément mais aussi, toujours concentré car à cet instant j’ai parcouru plus de 180 km mais j’ai encore près de 80 km pour rentrer…
Au sommet je prends des photos, une pâte de fruit mais je ne m’attarde pas trop et j’enfourche le vélo pour attaquer le retour. C’est fou car c’est l’instant où ça y est j’ai réussi à faire tout l’enchainement, mais il n’y a aucun relâchement en moi.
Il fait frais dans la brume mais je reste en manches courtes pour attaquer la descente. Quelle route exceptionnelle !! C’est celle là qui a donné le nom du Cercle de la Mort à toute cette étape que je viens de faire !!
Je repasse dans les Hautes Pyrénées, il faut remonter 2,5 km vers le col du Soulor. J’ai les jambes raides là^^ A un instant j’ai presque cru que j’allais avoir une crampe, mais non tout va bien et j’ai finalement pu remettre du braquet.
Petit arrêt au col du Soulor pour discuter avec le cycliste que j’avais rattrapé dans la fin du Soulor tout à l’heure.
Le col est sous le soleil, il fait bon, j’attaque la descente vers Arrens Marous puis Argelès.
Pendant un instant l’envie de faire un détour par le col des Bordères m’a effleuré, même le col de Couraduque, mais je suis revenu à la raison, je n’ai pas les jambes tout de suite pour m’infliger un autre col même si c’est moins de 7 km. A Arrens Marsous, je passe les 200 km parcourus !
Après une descente qui fait du bien, me revoici à Argelès. Arrêt à la fontaine, je bois pas mal d’eau, je remplis mes bidons et c’est parti pour la plaine. Je prends la voie verte, direction Lourdes. Je suis bien fatigué, mais le corps fabrique des endorphines je pense pour palier à ça et du coup, je me retrouve de nouveau avec une second souffle et des jambes qui résistent. Ça me l’avait fait lors de ma sortie au Ventoux par les 3 côtés en 2012, et je savais que j’avais à peu près 2 à 3 h devant moi avec la sensation d’avoir des bonnes jambes. Largement de quoi rentrer. Et du coup sur cette voie verte désespérément plate je roulais entre 27 et 29 km/h. Ça fait du bien de me dire que je ne vais pas perdre trop de temps sur le retour. Car à ce stade ça peut paraitre long…
La traversée de Lourdes se fait sur les faux plats montants, mais ça passe bien, les deux petites côtes à la sortie se passe aussi pas mal, la petite côte à la sortie de Juillan aussi.
Les kilomètres défilent plus vite que ce que je pensais 🙂
Le jour décline de plus en plus. J’entre dans Barbazan, je regarde mon compteur. Je suis à 5300 m de D+… Je ne peux pas m’arrêter là !! Ce serait plus cool de faire 5500, histoire d’arrondir en partie. Dommage que je sois loin du col des Palomières^^ Après la plaine je me serai bien fait un col de plus, Couraduque ou Bordères aurait été pas mal. Bon, je vais du coup jeter mon dévolu sur la côte de Piétat sur la route de Toulouse à la sortie de Barbazan. Mais pas par le mur avec les 18 %. Je vais opter par la grande route qui est plus douce au niveau des pourcentages.
Allez c’est parti, un peu plus d’un kilomètre cette côte. J’arrive en haut, j’ai pris 80 m de dénivelé supplémentaire… Je la redescends. Demi tour en bas, je la remonte. Mais qu’est ce que je fous là à la fin de cette journée… 80 m de plus, encore 40… Demi tour, quelle beauté ce coucher de soleil. J’arrive en bas. T’es un taré Idris. Demi tour, je remonte. Ayé 5500 !! Je suis au milieu de la côte, pas besoin d’aller jusqu’en haut, demi tour, je redescends, plus que 2 km pour rentrer !
Il est 21 h et je boucle cette sortie inoubliable : 262 km et 5500 m de D+ !! Ma nouvelle sortie de référence !! 13h20 de pédalage, ce qui fait 19,65 km/h de moyenne (sans compter les pauses au sommet des cols, la gaufre et tout ça).
Col de Peyresourde (1569 m), col d’Aspin (1490 m), col du Tourmalet (2115 m), col du Soulor (1474 m) et col d’Aubsique (1709 m) !!
J’en rêvais, je l’ai fait ! J’ai l’impression d’avoir atteint mon objectif pyrénéen. Même si on peut toujours faire plus dur comme parcours, mais celui là me tenait vraiment à coeur par son côté légendaire et mythique des forçats de la route. Ces coureurs dans lesquels je me retrouve plus que dans le cyclisme moderne.
Ce sont des routes jalonnées d’exploits et de défaites.
Autant le 1er mai 2012 après avoir monté le Mont Ventoux par les 3 côtés et les 2 petits cols autour (225 km et 5550 m de D+), j’étais euphorique, autant là, je suis rentré, j’ai mangé une énorme assiette de pâtes avec des tomates, je suis allé dormir, je me suis réveillé à 2 h du matin avec le mal de jambes, puis à 6 h j’étais debout pour la journée de travail. Avec de la satisfaction mais sans plus en fait.
Je crois que ce qui m’a le plus impressionné c’est de l’avoir fait sans avoir les meilleures jambes de ma vie et d’avoir grimpé le col du Tourmalet en 3eme col sans être dans le rouge. Par ailleurs, j’ai pu faire toutes les ascensions d’une traite sans m’arrêter (sauf les quelques arrêts photos de quelques secondes de temps en temps) y compris le col du Soulor quand j’étais en galère.
Je repense à toutes ces sorties depuis toutes ces années, Pyrénées, Provence, Alpes, Massif Central, Suisse, Italie au fil de mes années d’études, de mes années de travail et de mes voyages, cette impression que tout ça c’était pour m’amener à cette sortie là !
Et je repense plus en détail à cette année 2018, l’objectif fixé du 23 juin en début d’année, puis cette chute fin janvier, la galère, les béquilles, les doutes, la reprise au col d’Aspin sous la neige où tu te demandes ce que tu fous là, le froid, la pluie, les orages du printemps, la forme qui ne vient pas et puis finalement…
Et pour agrémenter de chiffres cette sortie, j’ai grimpé mon 5eme col de Peyresourde, mon 115eme col d’Aspin, mon 64eme col du Tourmalet, mon 13eme col du Soulor et mon 5eme col d’Aubisque. Ce qui fait en cumulé sur ces routes mythiques, 202 ascensions, et donc la 200 eme dans ce cumul c’était le col du Tourmalet en plein coeur de cette étape.
Une journée inoubliable…
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Et ben chapeau Idris ! Quelle sortie de ouf ! Bien maîtrisée, ce qui n’est pas à ton habitude 😉 sauf… la fin avec la côte de Piétat où tu seras, malgré toi, retomber dans ton petit coup de folie ! Oui je sais ça été pour la bonne cause avec ces 5500 m de D+ ! Très beau reportage et un grand merci de m’avoir fait partagé tes souvenirs et tes belles émotions. Biz.
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Salut Joris 🙂
Merci pour ton message 🙂
Oui, à la fin j’étais dans le truc^^ Mais en plus à cet instant j’étais motivé pour encore pédaler pour atteindre les 300 km mais bon ça allait me faire rentrer tard…
Je te rassure, les coups de folie sont revenus xD Aujourd’hui je partais pour 90 km, mais en fait le parcours que j’avais tracé en faisait 150 mdr
Juste 2 pâtes de fruit pour tenir le coup^^
Salut Idris.
Félicitations pour cette sortie digne des Forçats de la route. Là tu devrais penser à t’inscrire à l’Ardéchoise Vélo Marathon (278 km) ou au Tour du Mont Blanc Cyclo (330 km) !
C’est fou comme avec l’expérience et le mental le corps même après un coup de fatigue se régénère vite. Parfois on a un coup de fatigue et puis il suffit d’un ravitaillement, d’une descente… pour que derrière ça aille mieux ! En ultra-trail, ça me fait la même chose.
Pour ce qui est de la pâte à tartiner, si tu veux éviter l’huile de palme, chez Lindt il font un petit pot de pâte à tartiner sans huile de palme mais il coûte près de 8 ou 9 euros il me semble. Pas donné surtout que le pot est petit. C’est pas demain que la plupart des hôteliers et restaurateurs vont remplacer le nutella. Il y a une pâte à tartiner Casino qui n’est pas trop mal. Moi j’aime aussi la pâte de spéculoos mais il y a toujours ce problème d’huile de palme.
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Salut Antho 🙂
Merci pour ton message 🙂 Ah ça l’AVM et le TMB, ma foi, peut être un jour qui sait^^ Mais en général c’est plus sur des coups de tête que je fais mes grosses sorties^^ Mais c’est vrai que je suis impressionné par les capacités de récupération du corps ! C’est dingue, tant mieux pour nous 😀
C’est très rare que je mange de la pâte à tartiner en fait et là, c’était l’occasion, j’ai surtout pas trop réfléchi^^ Déjà le matin je n’ai pas l’habitude de manger habituellement.
[…] 30 juillet 2018 (26e sortie) : col de Peyresourde, col d’Aspin, col du Tourmalet, col du Soulo… […]
[…] d’année j’ai souvent monté le col du Tourmalet car je voulais me préparer pour l’enchainement des 5 cols (Peyresourde, Aspin, Tourmalet, Soulor, Aubisque). A l’origine je voulais faire […]
[…] avoir fait cet enchainement le 30 juillet dernier, ce sera une manière de compléter le parcours intial. Le col d’Osquich ne fait que 5 km à […]
[…] il y a eu ce 30 juillet où j’ai réussi à faire la sortie dont je rêvais depuis longtemps. Le fameux enchainement […]
[…] Finalement les jambes sont comme dans la première ascension, voire mieux, ça tourne bien. Ça faisait longtemps que je n’avais pas grimpé ce versant, depuis juillet dernier quand j’avais fait la grosse étape des 4 cols. […]
[…] les sorties les plus longues c’est 262 km et 5500 m de D+ (col de Peyresourde, col d’Aspin, col du Tourmalet, col du Soulor, col … et 225 km et 5550 m de D+ (col de Murs, Mont Ventoux par les 3 côtés, col de la Liguière) et […]
[…] m). Je n’envisageais pas de rajouter le col du Soulor et d’Aubisque (1709 m) derrière comme l’an dernier en juillet car j’étais moins en forme tout de […]
[…] les 165 km alors que l’an passé j’avais eu l’occasion d’en faire une à 262 km et en 2017, plusieurs à plus de 200 […]